Les rêves qui nous guident

Les rêves qui nous guident

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Les rêves qui nous guident

 

 

Le monde de la religion est mystérieux et merveilleux.
Mystérieux, parce qu’il ne se révèle à nous que progressivement selon le niveau de purification atteint. Merveilleux, parce que ce qu’on découvre avec l’expérience est beaucoup plus extraordinaire et bienveillant que tout ce qu’on pouvait imaginer. Nous partageons tous le même esprit, chacun de nous est une petite vague de conscience sur
l’océan de la conscience universelle.
Nous sommes tous unis par le cœur, donc nous grandissons ensemble.
Chaque progrès personnel est aussi un progrès pour toute l’humanité.
Les psychologues parlent d’un inconscient collectif, les textes bouddhiques parlent du filet d’Indra qui relie tous les êtres qui vivent dans les mondes parallèles à notre monde concret. L’univers est un, donc nous nous influençons les uns les autres directement par l’esprit en rêve ou par des intuitions.

 

Le monde des rêves

La science actuelle n’explique pas tout. Elle conçoit l’univers comme un océan de lumière parcourue par des champs d’ondes électromagnétiques, des fleuves de lumière, mais elle ignore ce qui vit dedans à différents niveaux de fréquences parce que les machines ne peuvent l’enregistrer.
Notre sensibilité et notre intelligence dépassent les performances de toutes les machines, au moins dans ce domaine.
Depuis que les hommes existent, des chamans, des religieux, des hommes d’exception ont reçu des messages des êtres qui vivent dans ces mondes, soit en transe en prenant des drogues, soit simplement en rêve, pour les aider à prendre parfois des décisions vitales pour l’avenir de leur peuple.
Trois mille ans avant notre ère, on pratiquait l’interprétation des rêves en Mésopotamie, et chez les Grecs 420 temples dédiés au dieu de la médecine Esculape pratiquaient un rite censé apporter des rêves guérisseurs tandis que le patient dormait à même le sol enveloppé d’une peau de bête ensanglantée.
En Égypte, le pharaon avait auprès de lui vingt-quatre spécialistes pour l’aider à interpréter les rêves et prendre des décisions pour diriger l’état. Une nuit, il vit en rêve sept vaches grasses puis sept vaches maigres et ce fut interprété comme sept années de récoltes abondantes suivies de sept années de mauvaises récoltes. Il fit alors construire
avec raison des silos pour garder le blé.

Les juifs considèrent un rêve qui n’est pas interprété comme une lettre qui n’est pas lue.
Et au Japon, un moine priait toujours à côté de la pièce où dormait l’empereur sans doute pour chasser les mauvaises influences.
Les rêves ont toujours influencé les décisions des hommes souvent à bon escient, d’ailleurs un proverbe dit qu’il faut mieux attendre un peu avant de répondre, car « La nuit porte conseil ».

 

Physiologie des rêves

Les rêves sont-ils l’expression de notre subconscient ? Ou bien un message venu d’ailleurs ? Venu de quelqu’un d’autre ou d’une divinité ce qui expliquerait les rêves prophétiques ? Ou simplement un défoulement biologique de tension musculaire accumulée ? L’homme rêve 20 % de son temps de sommeil soit cent minutes par nuit, même s’il ne s’en souvient pas. À son réveil, il en oublie 95 % en moins de huit minutes.
C’est pour cette raison que, pour se souvenir de ses rêves, il ne faut pas bouger le corps quand on commence à se réveiller et se rappeler plusieurs fois de suite son rêve avant de se lever pour écrire des notes immédiatement. Quand on pratique la méditation depuis longtemps les rêves changent de nature et ils n’expriment plus un défoulement
de tensions psychologiques, mais le travail de la conscience qui explore un nouveau monde au fur et à mesure que les centres spirituels supérieurs du corps s’éveillent.
Durant ce long travail se fait la rencontre avec des guides, des « Amis de bien ».

 

Rêve éveillé

Les hommes connaissent beaucoup de choses, mais ne se connaissent pas eux-mêmes, c’est pourquoi ils  recommencent si souvent les mêmes erreurs.
Tous les parents n’étant pas parfaits, ils ont dû faire des erreurs dans notre éducation.
Ce serait donc bien de faire un travail sur soi pour continuer à s’améliorer sans attendre que ces changements se fassent tout seul.
Tous les thérapeutes en psychologie vous le diront, il n’est pas facile d’aider quelqu’un qui a souffert, car il parle de tout sauf de ce qui lui fait mal. Il refoule, parce que souvent il a honte de ce qu’il a fait ou de ce qui lui est arrivé. Le rêve éveillé peut aider le patient à faire émerger la cause de ses souffrances. Cela consiste à rester allongé et à rêvasser sur des thèmes pour voir ce qui surgit de l’inconscient. Les symboles peuvent être l’exploration, du fond de la mer, d’un château, d’un volcan, dans lesquels on peut découvrir des portes, appeler des amis, rencontrer des personnages représentants nos défauts pour mieux connaître leurs motivations, etc. Tout est possible à imaginer ainsi on reprend contact avec des parties du subconscient qui sont souvent réprimées et c’est harmonisant.
Le rêve éveillé ou nocturne peut aider quelqu’un à se transformer en profondeur parce que les symboles qui apparaissent pendant le sommeil sont en apparence anodins et ne suscitent pas un blocage de la partie consciente. Si le thérapeute répète divers mantras pendant le sommeil profond du patient, toutes les émotions les plus refoulées se
trouvent alors libérées parce qu’il n’y a pas d’interdits moraux. Je pense que c’est ce que devaient faire les prêtres en Grèce quand les malades dormaient dans les temples d’Esculape dont j’ai parlé au début.
Quand on fait du rêve éveillé en groupe, les gens allongés les uns à côté des autres, les pensées se mélangent parfois, ce qui fait que les gens ne se reconnaissent pas toujours dans les symboles qui leurs apparaissent pendant cette sorte de méditation passive.
Endormis ou éveillés, nous nous influençons constamment par nos pensées.
Il faut que ce travail soit fait par quelqu’un de responsable et respectueux des sentiments du patient.

 

Prière et psychothérapie

Quand je prie pour les amis, de vieux souvenirs traumatisants peuvent remonter et je vois apparaître parfois dans leur corps des zones de couleur foncée ou des images.
Répéter quelques mantras est un bon moyen de s’en libérer. Si je me concentre dessus en répétant mentalement le mantra de Foudo-myoo, soudain je les vois éclater en sanglots sans aucune raison. Alors gentiment, je leur demande quelle image est revenue à la surface de leur conscience, puis je donne une explication et une autre signification à
ce qui leur est arrivé pour que le souvenir soit accepté d’une manière positive par la conscience.
Si on répète le mantra d’Aizen myoo, les rêves érotiques sont fréquents et libèrent leur énergie refoulée vers le cœur ou le sommet de la tête. Cela peut être très efficace pour les gens coincés sexuellement.
Cette situation de patient m’est arrivé à moi plusieurs fois dans des lieux de prière comme Lourdes où je vais prier pour le monde. Je suis calme, détendu et soudain, sans aucune raison, j’éclate en sanglots. Impossible de s’arrêter, et je pense que j’ai l’air ridicule de pleurer comme cela entouré de plein de gens. Après cinq à dix minutes, tout
va mieux. Un ami de bien qui veille dans ce lieu a vu dans mon cœur une souffrance cachée et il m’a soigné. Merci, beaucoup !
Parfois il m’est arrivé d’entendre une partie de mon subconscient jurer, dire des choses désagréables ou des insultes parce que l’énergie très pure qui descend pendant une cérémonie dissout mon petit démon intérieur qui refuse de mourir. Nous sommes ange et aussi démon. Finalement celui qui gagne en nous c’est celui qu’on nourrit tous les
jours par nos actes, nos sentiments et nos pensées. Nous devenons à la longue ce sur quoi notre esprit se concentre. Si nous pensons sans cesse à aider, à la beauté du monde, à la notion de vacuité qui nous libère de l’attachement aux êtres et aux choses, nous approcherons de l’idéal du Bouddha.
Il faut respecter la loi de la causalité et avoir de la bienveillance pour tous dans les trois mondes à travers nos actes, nos paroles, et nos pensées.
Si nous cultivons ce grand idéal de servir humblement les autres nous serons aidés à notre tour par des êtres très évolués, des maîtres réalisés qui cherchent ici-bas des disciples pour faire évoluer le monde. Les temples, les églises sont des hôpitaux pour les maladies de l’âme.

 

La recherche de la vérité

Kukaï qui priait devant le Daï-butsu de Nara fit le rêve qu’il devait aller au temple de Kumédera. Là-bas, il trouva sous un stupa le texte du Mahavairocana sutra. Cette découverte le motiva par la suite à aller en Chine pour approfondir sa compréhension du bouddhisme.
Là-bas, il reçut les initiations du maître Keika-ajari qui lui dit en le voyant pour la première fois qu’il l’attendait depuis longtemps. Comment est-ce possible d’attendre une personne dont on ne connaît pas théoriquement l’existence ?
On peut penser que Keika-ajari avait déjà rencontré et choisi Kukai en rêve pour qu’il trouve le texte, puis il l’avait appelé depuis la Chine en stimulant sa curiosité.
Les maîtres ont des connaissances et des moyens de communication extraordinaires parce qu’ils ont développé des corps de lumière pour ressentir instantanément à distance ce qui se passe dans le cœur des autres. Ils peuvent aussi se déplacer et prendre toutes les formes qu’ils veulent pour mieux faire comprendre leurs enseignements. Mon maître Aoki Yuko était craint par ses disciples moines pour sa clairvoyance, il révélait leur faute en leur demandant de changer. Un jour, je m’étais endormi dans le train Shinkansen, la tête sur l’épaule de ma femme, le lendemain de
retour à son temple je l’entendis me dire qu’il fallait se tenir bien dans le train.
Matsumoto jitsudo était aussi extraordinaire pour prévoir le futur et donner des conseils sur ce qu’il faudrait faire dans dix ans !

 

Comment j’ai rencontré mon maître Aoki Yuko

Je finissais mes études de médecine et j’étais intéressé par la compréhension de l’esprit humain. J’avais trouvé au Quartier latin une traduction en français du Mahavairocana sutra faite par un moine savant Tajima Ryujun qui avait séjourné à Paris avant la guerre et également un livre du professeur Tucci qui expliquait en donnant les mantras, le
Kongokai mandala. Je décidai d’expérimenter l’efficacité de cette pratique et je passais une nuit entière à tous les répéter dans l’ordre devant un mandala dessiné improvisé.
C’était agréable de faire cette chose bizarre, mais sans plus. Deux mois plus tard, je rêvais un après-midi, entre deux moments pour étudier mes cours de médecine, que je me trouvais dans une maison sur pilotis avec de l’eau autour. Nous étions plusieurs hommes européens debout et devant nous un vieux vietnamien entouré de gens avec des robes de toutes les couleurs. Soudain, ils disparaissaient vers le bas, puis ils remontaient, et cela plusieurs fois de suite. Ensuite le vieux monsieur, nous regarda un par un, puis il tendit le doigt vers moi et me désigna un peu excité en disant « C’est lui, c’est lui ».
Mon sommeil vers cinq heures de l’après-midi avait duré cinq minutes pas plus, et je me demandais ce que cela voulait dire. Six mois plus tard, je rencontrai ma femme japonaise qui venait de déménager près de chez moi. Quelques mois plus tard, elle m’apprit qu’un grand maître du Shingon allait venir à Paris faire une cérémonie. Elle pourrait faire l’interprète, formidable ! Je le rencontrai à l’Espace Pierre Cardin aux Champs Élysées et le suivit ensuite en Belgique où il m’apprit quelques mantras. Après, je trouvais le temps de graver pour lui sur du cuivre les deux mandalas et de les envoyer à son temple Entsuji près de Tokyo. Encore un an, pour obtenir mon diplôme de médecin et je partis au Japon pour le rencontrer avec l’intention de devenir moine bouddhiste. Arrivé là-bas, je
reconnus les lieux que j’avais vus en rêve, le temple n’était pas sur de l’eau, mais entouré par du gravier blanc avec des vagues comme de l’eau et le vieux monsieur était Japonais pas vietnamien. Les robes étaient les habits des moines qui faisaient des prosternations pendant une cérémonie. Je compris aussi pourquoi quand j’étais gamin à
six ans, je jouais à tordre mes doigts et que j’entendis un jour une petite voix me dire : « Plus tard, tu comprendras ce que cela veut dire ». Je revenais au Japon reprendre contact avec la tradition du Shingon.

 

Comment la prière agit-elle sur le monde ?

D’un point de vue scientifique, c’est étonnant et passionnant que le corps humain puisse agir par la pensée sur les atomes et permettre par exemple de pouvoir marcher sur le feu, de faire des miracles, de favoriser des rencontres et aussi améliorer notre psyché.
Notre connaissance de l’homme reste encore superficielle.
Pour comprendre comment tout cela fonctionne, il faut connaître les trois mondes du bouddhisme. Ils sont comme de la lumière à différents niveaux d’énergie.

1) Le monde concret, la terre : (Nirmana kaya) où le Bouddha Shakyamuni est apparu pour enseigner aux hommes les règles de vie monastique.

2) Le monde d’énergie fluide : (Samboga kaya), appelé aussi le monde de rétribution parce qu’après la mort les humains vont y mûrir leur expérience accumulée pendant leur vie passée. Ils aboutissent selon leur karma dans différents niveaux plus ou moins subtils où les paysages et les formes qui apparaissent sont très variés, comme des mirages construits par la pensée. Les statues de Bouddhas qui sont représentés parfois avec des bras très longs et souples symbolisant que toute les formes y sont fluides. Ce qui fait qu’il est très facile de se déplacer dans ce monde de lumière et d’aller au bout de la terre rapidement pour rendre visite aux amis et travailler avec eux.

3) Le monde de la vacuité : (Dharma kaya) il n’y a pas de forme, ni aucun repère concret pour une orientation spatiale. C’est le monde où la conscience peut être comparée à une bulle de lumière vide sur laquelle se reflètent des images multiples. Un texte bouddhique dit « Dans une pensée, trois mille mondes »

Si la conscience ne s’identifie pas à un corps physique humain, qui est comme une carapace dure, elle devient très sensible et ressent tout ce qui se passe à distance, sans limite. Il est possible de vivre dans d’autres dimensions, de ressentir la vie d’une montagne, d’une forêt, d’un fleuve. Ce chemin spirituel est celui des chamans, des prêtres shintoïstes qui vivent très proche des forces de la nature. Dans le bouddhisme Shingon, Dainitchi-nyorai n’est pas un principe abstrait, c’est la force de vie de la nature.
En général, ceux qui veillent sur nous n’ont pas atteint l’illumination.
Ce sont nos ancêtres, nos parents et amis décédés, ils vivent dans un des paradis du deuxième monde où ils ont reçu une place agréable.
Les grands maîtres qui ont atteint la connaissance du Dharma kaya, la conscience sans forme, possèdent des pouvoirs qui leur donnent l’omniscience.
On ne se déplace pas de la même façon dans l’eau, qui change d’aspect et de caractéristique, quand elle est de la glace, un liquide ou une vapeur.
Les maîtres vivent dans l’espace vide, les seconds dans un océan avec des formes en mouvement et nous les vivants ordinaires, nous sommes sur la berge sur du solide. En état de veille, nous ne les voyons pas, alors qu’eux nous voient très bien et parfois ils nous accompagnent dans la vie pour nous guider en nous donnant de bonnes intuitions.
En état de rêve, nous pouvons les entendre, les voir, leur parler et prendre conseil auprès d’eux puisqu’ils peuvent avoir facilement des informations.
C’est pour cela que dans la tradition japonaise, les ancêtres sont vénérés chaque matin en priant devant une armoire disposée dans la maison (Butsu-dan) où se trouvent dedans des plaques funéraires à leur nom.
Ainsi ils ont un pied à terre dans le monde des vivants pour nous rendre visite quand ils le veulent et ils chassent les mauvaises influences mentales de la maison. Leur faire des offrandes est bénéfique, c’est leur donner la force de pouvoir densifier leur corps de lumière pour venir plus facilement nous aider dans le monde concret.

 

Les amis de bien dans le monde concret

Une grande fraternité de religieux veille sur l’évolution du monde. Dans le bouddhisme, elle s’appelle la Sangha, chez les chrétiens la Communauté des saints. Cette hiérarchie céleste soutient le dévouement sur terre des hommes de bonne volonté. Pour mieux recevoir la protection de ces forces bénéfiques, notre cœur doit être ouvert, en harmonie avec la vie et respecter la vie des autres.
Un ami infirmier m’a raconté l’histoire d’une aide mystérieuse qu’il a obtenue par la prière à l’hôpital. Un jour, il devait s’occuper d’une malade très agitée et il ne pouvait lui faire une injection d’un calmant.
Désespéré et ne sachant que faire, il s’isola dans une pièce et se mit à prier en demandant de l’aide. Soudain, il sentit quelque chose de très doux descendre en lui qui apaisa ses craintes et sa tristesse. Il alla voir la malade qui elle aussi était devenue calme et sereine et il put alors lui apporter les soins nécessaires.
Dans les hôpitaux et dans les lieux où l’on souffre, il y a des amis dans le monde invisible qui sont là pour aider les malades et les soignants. Il suffit d’avoir un peu de foi et de les appeler pour qu’ils arrivent. On peut penser que ce sont d’anciens médecins ou des soignants décédés qui continuent à venir par compassion pour travailler dans les
hôpitaux depuis l’au-delà.
Il se peut aussi que sa prière ait touché l’esprit d’un religieux vivant loin de l’hôpital quelque part dans un monastère. Il sent un appel à distance, alors aussitôt il prie pour aider, sans savoir pour qui ni pourquoi il le fait. Il est comme Kannon sama qui écoute les prières des hommes pour les sauver. Un film allemand « Les ailes du désir » raconte
l’histoire d’un ange qui veille avec d’autres anges comme lui pour que les hommes expriment ce qu’il y a de meilleur en eux. Ils inspirent les écrivains et les poètes pour que leurs écrits puissent toucher le cœur des hommes et les prévenir.
Les religieux des monastères et des couvents se lèvent chaque jour de bonne heure pour éteindre les haines et les conflits individuels ou collectifs, sans avoir besoin d’aller sur les champs de bataille. Ils n’adhèrent à aucun slogan politique qui dresse les hommes les uns contre les autres. Dans leur sacerdoce dans ce monde, ils donnent des conseils apaisants.
Ils sont « le Sel de la terre », car sans eux, tout irait au chaos.
Le pèlerinage des 88 temples qui se fait à pied autour de l’île de Shikoku sur 1200 km (1400 km si on fait des temples en dehors du circuit) est une préparation à la mort. Les pèlerins s’habillent en blanc et c’est dans cet habit qu’ils seront un jour incinérés. Tout le monde ressent la présence aimante de Kobo Daïshi qui accompagne les pèlerins. Au fil des kilomètres parcourus, le cœur devient de plus en plus serein et des rencontres extraordinaires ont lieu qui font réfléchir.
Je pense qu’il doit y avoir l’esprit des religieux aujourd’hui décédés qui se relaient dans le monde invisible à chaque temple du pèlerinage. Ils prient pour les pèlerins qui passent et les purifient de leurs passions. J’ai connu une vieille dame qui avait guéri brusquement d’un cancer pendant son périple. Elle était tombée par terre épuisée et on pensait qu’elle allait mourir, mais le lendemain cela allait mieux et elle continua à marcher. Les jours après, c’était de mieux en mieux, elle était guérie. J’ai fait ce pèlerinage à pied en deux mois. À la suite d’un rêve, que j’avais fait entre deux temples, je suis retourné un matin sur mes pas en marchant pendant plusieurs kilomètres sous la pluie battante. Il fallait vraiment avoir la foi. Je ne l’ai pas regretté, car j’ai ainsi rencontré un des grands maîtres de Koyasan qui lui aussi avait senti qu’il devait sortir de chez lui ce jour-là pour aller prier au temple.

 

Les intuitions qui protègent

Quand je vivais à Paris, j’avais des intuitions incroyables pour me trouver au bon moment au bon endroit et éviter des accidents aux gens. Comme je priais beaucoup, je crois que j’avais près de moi un ami dans l’invisible qui ressentait la souffrance ou le désespoir des autres et me conseillait parfois d’aller quelque part pour intervenir. Par
exemple, je priais dans une église et soudain j’avais ma petite voix intérieure qui me disait « va à cet endroit » et parfois c’était loin et je n’étais pas content. Quand j’arrivais sur place, je trouvais soit quelqu’un qui voulait faire de grosses bêtises, soit un grand volet de bois suspendu en haut d’un bâtiment qui risquait de tomber depuis plusieurs
étages sur la foule dans la rue soit une grosse planche avec plein de clous sur un trottoir.
Parfois, il fallait insister beaucoup et se déplacer soi-même au poste de police pour que des pompiers viennent et évitent un accident grave. Les gens ne se sentent pas toujours responsables si leur responsabilité civile n’est pas directement engagée.
Ils ne se sentent pas non plus solidaires comme si nous n’appartenions pas tous à la même famille.
Parfois, mon subconscient percevait un message qui était difficile à comprendre, car mon ami de bien qui m’aide dans ce genre de circonstance a de l’humour. Il me signalait par exemple que j’allais rencontrer bientôt une princesse qui avait des problèmes.
Intéressé j’ouvrais l’œil, mais la fameuse princesse s’avérait être une clocharde ou une jeune fille malade du sida qui quêtait dans le métro. À chaque fois, je faisais de mon mieux pour acheter les médicaments pour que ces déshérités puissent se soigner.
Quand j’étais un enfant d’une dizaine d’années au collège St.Croix, nous marchions dans un parc où ils avaient de grands arbres. Soudain, le prêtre qui nous accompagnait nous a dit de ne plus avancer. Deux ou trois secondes plus tard, un arbre s’abattit juste à l’endroit où nous aurions dû être. Il avait deviné que quelque chose allait se passer alors que rien ne le laissait présager. Les rêves peuvent prévenir d’un accident ou d’un incident à venir, parfois une semaine avant. Il faut chercher dans son environnement, s’il n’y a pas des choses cassées ou sales, qui pourraient exercer une influence néfaste.
Nettoyez et priez, faites des offrandes, pour vous protéger.

 

L’aide de Kangi-ten

Le maître fondateur de Hozanji, Tankai recevait très souvent des conseils en rêve de Kangi-ten qui lui aussi a de l’humour. Un jour, il entendit qu’il fallait qu’il aille creuser sous les traces des sabots d’un cheval pour trouver la fortune et construire le temple. Il fit cela sans trouver de trésor, mais il rencontra en fait le propriétaire du cheval qui
l’aida. Un autre jour, il entendit que des démons viendraient demain au temple. En fait, il s’agissait de jolies femmes très coquettes qui venaient de la cour impériale.
J’ai remarqué que les conseils en rêves ne sont jamais précis, il indique quelque chose à faire qui va nous faire découvrir autre chose. Je crois que c’est un test ou une protection pour que la pensée reçue ne puisse être comprise que par soi.
Le Kangi-ten de Hozanji est vraiment extraordinaire pour favoriser des rencontres utiles.
Il m’a de nombreuses fois aidé pour construire le temple et obtenir de l’argent pour sa construction ou les objets nécessaires à la pratique.
Un jour, il m’a fait rencontrer un moine Tendai, qui avait sculpté une statue de Kangi-ten, nous avons sympathisé et il me l’a donné. Ainsi grâce à sa gentillesse, j’ai pu pratiquer correctement le rituel de l’huile la nuit. Presque tout le temple de Komyo-in a été construit comme cela grâce à des aides ou des rencontres inattendues soit en France, soit au Japon. Au début, je pensais seulement à aider quelqu’un qui avait des problèmes, puis la situation se retournait et cette personne m’aidait à son tour dans un domaine où je n’avais aucune compétence.

 

La voie du yoga des rêves

Un Bouddha, un être pleinement éveillé, c’est quelqu’un qui vit consciemment et avec talent dans les trois mondes. Le monde le plus difficile à atteindre est le monde de la vacuité parce que nous sommes profondément attachés à ce monde des formes pour des raisons pratiques et émotionnelles. Il faut se sentir rassuré sur la possibilité d’être aimé pour se sentir exister. Parfois les gens qui perdent ceux qu’ils aiment n’ont plus de raison de vivre. C’est une réaction incontrôlable, quasi viscérale chez une personnalité restée infantile qui est dépendante de l’amour qu’elle reçoit de quelqu’un d’autre. Nous aimons avoir un cadre de références, mais ces limites nous étouffent. C’est ainsi que vie
après vie, s’entretient la saisie dualiste de notre moi. C’est dommage car l’éveil spirituel dépasse tout ce qui est éphémère.
Dans l’ésotérisme, le yoga des rêves initiatiques explique comment atteindre les mondes supérieurs en dansant et en volant dans l’espace, enlacé avec un ami de bien déjà suffisamment avancé dans la voie pour servir de guide.
Le contact de ces deux cœurs permet d’ouvrir les potentialités latentes de l’un et de l’autre. Ils échangent en dansant dans le vide leurs qualités, leurs compétences au niveau de la manière d’aimer la vie et le monde. Chacun apporte à l’autre ce qu’il n’a pas su éveiller en lui. La notion d’amour, d’individualité et de lien préférentiel avec quelqu’un est ainsi fortement remise en cause.
D’autant qu’en rêve, on peut fabriquer n’importe quelle forme créée selon son imagination, puis l’enfiler après comme un habit.
Cela permet d’apprendre à se dés-identifier de la forme de son propre corps et à se détacher de celle des autres, c’est comme dans un bal masqué. Au-delà d’un seuil, il n’y a plus de différence sexuelle, nous sommes des androgynes, pas d’entité stable, ni aucun espace fermé avec des contours fixes, ni de temps. Nous comprenons alors que tout est
illusion. Lorsque nous ne réagissons plus ni à la beauté ni à la laideur, il est plus facile de contrôler ses émotions et de garder son cœur paisible, de rester continuellement digne, stable et bienveillant vis-à-vis de tous les êtres, quels que soient leurs apparences et leurs problèmes.
Le travail des religieux est de se détacher d’un amour limité à quelqu’un, à une famille ou à un groupe dans ce monde provisoire, pour atteindre un amour éternel qui englobe le monde entier. Ainsi nous retrouvons le sens de l’unité.

 

Retrouver le sens de l’unité avec Kangi-ten

Kangi-ten réunit en couple Kannon avec le dieu Indien Vinayaka pour que leurs qualités de douceur et de force se complètent. La divinité secrète Kangi-ten avec ces deux corps symbolise cet amour universel qui réunit toutes les âmes au-delà des apparences.
La répétition de son mantra pendant le rituel crée cette ouverture intérieure qui permet de recevoir dans son cœur, le cœur d’un ami mystique.
Il peut être vivant ou mort, connu ou inconnu par nous dans ce monde concret. Il peut venir d’un pays lointain sans difficulté parce que les corps de lumière circulent à la vitesse de la lumière. Les amis qui viennent à Komyo-in disent qu’ils ressentent ici, la même énergie qu’il y a dans les temples au Japon, cela signifie que nous recevons souvent des visiteurs dans l’invisible, parfois ils viennent en groupe.
Pendant le rituel, on demande aux Bouddhas de descendre sur l’autel, d’accepter les offrandes par compassion et exaucer tous les vœux. L’autel du temple devant lequel on pratique est notre propre cœur qui est comme une grande fleur.
C’est donc dessus que se pose l’esprit de cet ami de bien de passage qui prend la forme d’un Bouddha. Si notre cœur est paisible et serein, il peut alors recevoir son influence spirituelle. C’est ainsi que s’exprime la grâce des Bouddhas dans notre vie qui permet de progresser rapidement.
Mon maître Aoki senseï disait : « Ce n’est pas vous qui faites une ascèse, c’est le Bouddha qui vient vous aider. »
Il y a trois niveaux de compréhension de la voie. D’abord on veut atteindre la vacuité, puis on veut développer un amour universel, mais le plus important c’est d’avoir l’humilité de reconnaître que malgré tout nos efforts, nos progrès ne viennent pas de nous, mais des grâces reçues. Les ascètes chrétiens disaient : « Ne vous fiez pas à vos
œuvres, cultivez l’humilité sinon vous chuterez ». Aoki senseï remerciait sans cesse les Bouddhas et même les objets qu’il utilisait en pensant certainement à tous ceux qui ont travaillé pour les fabriquer.
Cultiver les sentiments de confiance et de reconnaissance vis-à-vis de son maître et de la lignée des religieux et des amis de biens permet de recevoir sans cesse leur influence.
C’est pour cette raison que le culte du maître est si développé en Inde et en Asie, cette tradition antique de respect existait aussi en Grèce en médecine.
À la fin de leurs études, les jeunes médecins prononcent le serment d’Hippocrate : « Je mettrai mon maître de médecine au même rang que ceux qui m’ont donné le jour, je partagerai avec lui mon savoir et le cas échéant je pourvoirai à ses besoins […]. Je passerai ma vie et exercerai mon art dans l’innocence et la pureté. »
C’est avec cet idéal que l’on devient ainsi à son tour un ami de bien qui va veiller sur l’humanité. Cela permet d’aider, de conseiller en rêve ou par des intuitions tous ceux qui en ont besoin.
Nous avons besoin les uns des autres pour progresser. C’est pour cette raison qu’il est important de prier ensemble dans un temple pour que chacun puisse apporter ce qu’il a de meilleur en lui aux autres par son rayonnement.

 

Rêves prémonitoires

En 1990 parut le film « Rêve » du cinéaste Akira Kurosawa, qui relate plusieurs rêves qu’il aurait faits. La partie de la fin appelée « Le mont Fuji rouge » raconte qu’une série de réacteurs nucléaires explose au Japon, en plusieurs fois, entraînant une forte radio activité et qu’il n’est pas possible d’y échapper. Une femme cherche à sauver son bébé,
mais en vain parce que le Japon est une île. Je me souviens que je m’étais étonné de cela, car l’uranium d’une centrale n’est pas un matériau susceptible d’exploser comme une bombe au plutonium. Je ne savais pas alors que la molécule de l’eau fortement chauffée peut se séparer à nouveau en hydrogène et oxygène, et donc faire un mélange
gazeux explosif. Qui avait envisagé cette éventualité avant l’accident de Fukushima ?
Personne, même pas après celui de Tchernobyl. Je trouvais le film beau, mais un peu simple. En 2011, vingt et un ans après la sortie du film, l’accident de Fukushima a montré que ce rêve était prémonitoire. Maintenant, je crois que le cinéaste avait organisé son film pour prévenir son pays que quelque chose de grave allait arriver. Peut-être était-il
inspiré par une grande âme, un Ami de bien qui voyait l’avenir du pays ?
Le rêve suivant appelé « Démons gémissants » raconte qu’apparemment il y a eu la guerre et sans doute un bombardement nucléaire et que le Japon est désorganisé. Une grande famine sévit partout dans le pays et les gens sont si affamés qu’ils sont obligés de se manger entre eux pour survivre, c’est pourquoi M. Kurosawa les appelle des démons gémissants.
Devons-nous nous inquiéter pour l’avenir du monde ? En cas de conflit mondial la famine est-elle possible ?
Je crois qu’il faudrait que ceux qui dirigent le monde réfléchissent un peu sur les conséquences pour leur pays en cas de conflit nucléaire. Actuellement tout fonctionne avec de l’électronique qui est très fragile comme le réseau électrique. En cas de bombardement, plus rien ne fonctionnerait, aucune machine, ni même les transports.
Les techniciens ne savent plus réparer les machines, ils changent seulement des pièces.
Et comme l’économie est mondialisée, elles n’arriveraient pas ou alors les réparations seraient très longues. Comment les machines agricoles fonctionneraient-elles ? Nos dirigeants devraient envisager comme le pharaon du début du texte de faire des réserves de nourriture pour sept ans de vache maigre. Actuellement, les réserves
mondiales de nourriture sont seulement de trois mois. Avec quoi, le Japon pourrait acheter de la nourriture au reste du monde si son économie s’arrête et sa monnaie s’effondre ?
C’est maintenant qu’il faut y penser et demander en priant les Bouddhas que nos dirigeants prennent de bonnes décisions pour notre avenir commun.

 

Yukaï Senseï

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